Entre les apparences et la réalité des faits, il y a souvent un écart important. Ainsi, si je vous demande quels sont les plus importants pays producteurs d’automobile en Europe, il est probable que vous citiez l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume Uni. Les plus au fait de l’industrie automobile européenne mentionneront aussi l’Espagne, la Belgique, la République Tchèque et la Pologne.
Il existe ainsi un lien fort entre la nationalité des constructeurs automobiles et l’importance qu’ont ces pays en matière de production automobile dans notre imaginaire. Mais quel est le vrai classement des pays producteurs d’automobile en Europe sachant que nous ne parlons ici que de voitures particulières.
En première position, nous trouvons l’Allemagne. Ceci est logique. Nous savons que les plus grands constructeurs automobiles d’Europe sont implantés outre-Rhin. En deuxième position, nous avons l’Espagne. La France n’est que troisième et ce depuis deux ans. Le Royaume Uni se classe numéro quatre. Cela peut paraître étonnant pour un pays ayant perdu quasiment tous ces constructeurs nationaux à l’exception de quelques marques haut de gamme qui sont toutes aux mains d’intérêts étrangers. En cinquième position, nous trouvons la Tchéquie, puis en sixième la Slovaquie et en septième la Pologne. Mais où se trouve donc l’Italie me demanderez-vous. Eh bien, l’Italie n’occupe plus que la onzième place derrière la Roumanie et la Hongrie.
Nous allons dans ce dossier vous présenter l’évolution de l’industrie automobile européenne au travers de graphiques. Nos données proviennent des statistiques publiées chaque année par le catalogue de la Revue Automobile Suisse au mois de mars à l’occasion du salon de Genève. De ce fait, je précise que les chiffres de l’année 2014 sont encore provisoires. Dans les chiffres, nous avons inclus tous les pays d’Europe de l’Ouest et d’Europe de l’Est. La Russie, l’Ukraine et, pour les années antérieures à 1991, l’URSS sont exclues. De même, la Turquie n’est pas comprise dans les données.
Ces statistiques de production par pays portent sur les voitures construites dans un pays que ce soit sous forme complète (CBU) ou de pièces détachées (SKD ou CKD). Ainsi, les voitures simplement assemblées dans un pays à partir de pièces détachées provenant d’un autre pays ne sont pas comptées dans la production du pays assembleur mais dans celle du pays producteur des pièces. Ceci est la règle générale, il peut cependant y avoir des exceptions.
Évolution de la production de voitures particulières en Europe depuis 1960
Nous commençons en indiquant que plus de 682 millions de voitures particulières ont été produites en Europe entre 1960 et 2014. Le graphique présente cette évolution par année.
Les années 1960 sont celles de la croissance. La progression annuelle moyenne de la production est supérieure à 6%.
Les années 1970 font clairement apparaître les deux crises de 1974 et 1979. Un record de production annuelle est toutefois atteint en 1973 et encore en 1978 avec plus de 12 millions de voitures.
Les années 1980 sont à nouveau une décennie de croissance avec un taux moyen annuel de 2,4%. Le record de production de 1978 est dépassé en 1986. L’année 1989 établit un record de production sur le continent avec plus de 14 millions de voitures produites cette année-là.
Le début des années 1990 est marqué par une nouvelle crise qui fait reculer la production annuelle de 20%. La production de l’année 1993 est ainsi inférieure à celles de 1973 et de 1978.
La croissance repart vigoureusement dès 1994. En effet, la chute des régimes communistes en Europe de l’Est a mis en évidence des besoins importants dans cette région-là. La croissance moyenne annuelle est ainsi de près de 5% jusqu’en 2001.
Mais une fois que ces pays sont équipés, nous voyons un plateau descendant entre 2002 et 2005. La bulle de crédit permet d’afficher une croissance de 5,4% en 2007. Ceci permet d’établir un nouveau record de production à plus de 17 millions d’unités. Toutefois, le retour de bâton est violent. La production recule de 18% en 2009 par rapport à 2007 sous l’effet de la crise en s’établissant à un niveau inférieur à celui de 1989.
Depuis, la production automobile en Europe oscille entre 14 et 15 millions d’unités par an. Ceci reste toujours inférieur au niveau de production de 2001. Cela reflète la situation d’un marché saturé sans croissance.
Répartition de la production automobile en Europe
par pays en 1950, 1960, 1970, 1980, 1990, 2000, 2010 et 2014
1950 : le Royaume Uni est le leader incontesté avec près de la moitié de la production. La France est installée à la deuxième place fabriquant près d’un quart des automobiles du continent. Ensuite, nous trouvons l’Allemagne dont l’industrie redémarre à peine. L’Italie occupe la quatrième place. Les autres nations automobiles de l’année 1950 sont la Tchécoslovaquie (Skoda et Tatra) et la Suède (Volvo et Saab). L’Espagne produisit 60 voitures particulières en 1950, des Pegaso.
1960 : L’Allemagne est devenu le leader de la production automobile européenne avec plus d’un tiers des voitures fabriquées en 1960. Le Royaume-Uni occupe la deuxième place avec un quart du marché. La France se retrouve troisième mais avec la même part de production. L’Italie a gagné 3% de part de marché. L’Espagne est à 1% avec 41 000 voitures particulières produites en 1960. De nouveaux pays producteurs apparaissent : l’Allemagne de l’Est (Trabant et Wartburg), les Pays-Bas (Daf), l’Autriche (Steyr), la Pologne et la Yougoslavie.
1970 : L’Allemagne et la France tiennent leur rang relatif. Le Royaume Uni recule à la quatrième place derrière l’Italie qui progresse de 5%. L’Espagne continue sa progression avec près de 470 000 voitures produites. La Belgique est passée du statut de pays assembleur à celui de pays producteur.
1980 : Les positions de l’Allemagne et de la France restent stables. La France a toutefois gagné 5% de part relative. L’Italie et le Royaume-Uni perdent des points. L’Espagne continue sa progression en doublant sa part de production. La Pologne dépasse la Belgique, la Suède et la Tchécoslovaquie. La Roumanie est devenue un pays producteur.
1990 : L’Allemagne est toujours leader. Si la France conserve sa deuxième place, elle perd 7% de part de production au profit de l’Espagne et de la Belgique. Le Royaume-Uni perd sa quatrième place au profit de l’Espagne. Le Portugal est désormais un pays producteur (Citroën).
2000 : Après le Royaume-Uni et la France, c’est au tour de l’Italie de décrocher. L’Espagne continue sa progression. Avec 16% de part de production, elle talonne la France. De nouveaux entrants arrivent dans le club des pays européens producteurs d’automobiles. Certains sont issus de changement politique, ainsi la Slovénie, ex république Yougoslave, et la Slovaquie, détachée de la Tchéquie. Par contre, la Hongrie accède pour la première fois de son histoire à la production de voitures particulières grâce à Suzuki et à Audi dont le modèle TT est exclusivement produit dans ce pays.
2010 : L’Allemagne est toujours le premier producteur d’automobiles en Europe. La situation perdure depuis 1960. L’écart entre la France et l’Espagne continue de s’amenuiser. Le Royaume-Uni reste stable. En revanche, l’Italie s’effondre complètement avec une part relative divisée par deux. La Tchéquie et la Pologne passe devant l’Italie. Les Pays-Bas disparaissent quasiment du paysage des producteurs automobiles européens. En effet, après la fermeture de l’usine Mitsubishi, ex-Volvo, ex-Daf, le dernier constructeur à subsister est l’artisan Spyker.
2014 : Le leadership germanique consolide sa position avec un gain de 8% de part de production depuis l’an 2000. L’Espagne a ravi la deuxième place à la France. La France avait conquis cette place en 1968 après l’avoir disputée au Royaume-Uni durant les années 1960. Justement ce-dernier progresse et talonne la France pour le podium. Le poids de la Belgique a été divisé par deux avec la fermeture des usines Renault en 1997, Opel en 2010 et Ford en 2014. L’usine belge de Volkswagen a été sauvée de la fermeture en 2009 grâce à Audi qui l’a reprise pour y produire l’A1. L’Italie poursuit son effondrement en passant à la onzième place. Désormais, il se produit plus d’automobiles en Hongrie et en Roumanie, pays au passé automobile récent, qu’en Italie, un des berceaux de l’automobile dès la fin du dix-neuvième siècle.
Évolution de la production automobile de 1960 à 2014
en Allemagne, en France, au Royaume Uni, en Italie, en Espagne et en Tchéquie
Allemagne : La production de voitures particulières en Allemagne montre une croissance continue entre 1960 et 2014. Il y eut toutefois des épisodes de recul tels que la récession allemande de 1967 (eh oui, pendant que la France gaullienne était en pleine prospérité, l’Allemagne connaissait un bref passage à vide), les crises mondiales de 1974 et 1979 et la crise européenne de 1993. Il convient de noter que le recul lié à la crise mondiale de 2008 a été de seulement 10% contre 19% en 1967, 25% en 1974 ou 21% en 1993. Le choc de 2008 a été surmonté en une année seulement. Les productions de voitures allemandes s’écoulent auprès d’une clientèle aisée qui a moins ressenti les effets de la dernière crise économique. En effet, ce n’est pas le chômeur de longue durée ou le travailleur précaire qui peut acquérir une BMW ou une Volkswagen flambant neuve. Je précise à nouveau que ces chiffres correspondent à la production d’automobiles en Allemagne et non pas à la production des constructeurs allemands dans le monde.
France : Le parcours est plus chaotique. La production d’automobiles en France a connu une forte croissance entre 1960 et 1979. Les grèves de mai 1968 n’ont pas eu d’impact majeur. La crise de 1974 a entraîné un recul de la production de 27% rapidement rattrapé en 1976 pour arriver à un record en 1979 qui était pourtant une année de crise. Cette année-là, Renault était la première marque en Europe devant Ford, laissant Volkswagen et Fiat en retrait. À partir de là, un long déclin s’installe jusqu’en 1985. Le début des années 1980 correspond à des années de crise dans l’automobile française : difficultés de PSA puis de Renault et disparition de Simca devenu Talbot. La deuxième moitié des années 1980 est beaucoup plus florissante : merci aux AX, BX, 205, 309, 405, Supercinq, R25, R21 et R19. L’année 1993 est celle d’un effondrement de 25% de la production automobile française frappée par la crise. Cela redémarre en 1996 et jusqu’en 2001 pour établir le record de production française de voitures particulières à plus de 3,5 millions d’unités. Les succès commerciaux proviennent des Clio, Mégane, Scénic, Laguna, 206, 306, 406, Saxo, Xsara et Xantia. L’arrivée des modèles 307, C3, Xsara Picasso et Mégane II permet de maintenir une production élevée en 2002 et 2003. Puis c’est le début de la dégringolade de la production automobile en France. La production de 2014 est de 53% inférieure à celle de 2001. Une partie de la production des constructeurs français a été délocalisée de la France vers la Tchéquie, la Slovaquie, la Turquie et la Corée du Sud. Le champion en matière de délocalisation a été Renault. La production mondiale de la marque a baissé de 25% entre 2001 et 2013. Mais la production française de Renault a chuté de 1,425 million de voitures en 2001 à 292 000 unités en 2013 soit un recul de près de 80%. Toyota a quant à lui produit 204 000 voitures en France en 2013 contre 62 000 en 2001, année de démarrage de l’usine de Valenciennes.
Royaume Uni : Après la récession de 1961, la production automobile britannique connaît une forte croissance jusqu’en 1963. Elle stagne ensuite dans une fourchette comprise entre 1,6 et 1,8 millions de voitures pendant 10 ans. La décennie suivante est celle d’un profond déclin qui démarre avec la crise de 1973. En 1984, la production britannique de voitures particulières touche un point bas à 901 000 unités. C’est une chute de 53% entre le record de 1972 et 1984 (tiens comme celle de la France entre 2001 et 2014). Les grands constructeurs britanniques disparaissent les uns après les autres : Riley en 1969, Singer en 1970, Austin Healey en 1971, Wolseley en 1975, Hillman, Humber et Sunbeam en 1976, Vanden Plas en 1980, Morris en 1984, Triumph en 1984, Austin en 1988 et enfin Rover en 2005. Le cas de MG est spécial. C’est le seul grand constructeur britannique encore existant même s’il ne produit plus une seule voiture au Royaume Uni depuis 2011. La marque MG disparaît donc en 1980 pour renaître en 1982, s’éclipser à nouveau en 1991, réapparaître en 1992, mourir en 2005 pour être ressuscité par les chinois en 2008. Sous la gouvernance de Margaret Thatcher, de profondes réformes économiques sont mises en œuvre au cours des années 1980. Le Royaume Uni retrouve de la compétitivité vis-à-vis d’autres pays. Le pays se positionne ainsi comme une tête de pont pour les constructeurs japonais en Europe. Ainsi, Nissan s’installe en 1987 suivi par Honda et Toyota en 1992. Le japonais Suzuki préfèrera la Hongrie en 1994. Les coréens Kia et Hyundai choisiront quant à eux la Slovaquie en 2006 pour le premier et la Tchéquie en 2008 pour le second. Cela démontre que la compétitivité reste une notion relative. Mais revenons à la production automobile du Royaume Uni, elle retrouve le chemin de la croissance jusqu’en 1996 pour se stabiliser entre 1,4 et 1,6 million d’unités depuis à l’exception de 2009 et 2010 en raison de la crise qui fit chuter la production de 26%. Dans l’intervalle, Ford ferma son usine britannique en 2002 après 91 ans de production dans ce pays. Peugeot fit de même en 2006 avec son usine ex-Talbot, ex-Chrysler, ex-groupe Rootes (Hillman/Humber/Sunbeam).
Italie : La production automobile italienne connut une forte croissance entre 1960 et 1973 au rythme moyen annuel de 8,3%. Elle établit un record en 1973 avec plus de 1,8 million de voitures particulières produites. C’est ensuite le déclin jusqu’en 1985, un peu comme le Royaume Uni mais moins marqué puisque le recul fut de 24%. Puis c’est le renouveau porté par le boom économique que connait l’Italie dans la seconde moitié des années 1980. Les modèles vedettes de l’époque furent la Uno, la Regata, la Croma, la Y10, la Delta, la Prisma, la Thema, les Alfa 33, 75 et 164. La production automobile italienne atteignit un record en 1989 avec plus de 2 millions d’unités produites. Depuis lors la chute est abyssale avec un recul de 84% entre 1989 et 2014. Pourtant la marque Fiat a produit près de 1,5 million de voitures particulières en 2013. Mais où sont donc fabriquées ces voitures : 567 000 au Brésil pour le marché sud-américain ; 232 000 en Italie pour le marché européen ; 173 000 en Turquie pour le Proche Orient, le Moyen Orient et le Maghreb ; 168 000 en Pologne pour le marché européen ; 105 000 en Argentine pour le marché sud-américain ; 76 000 au Mexique pour les marchés nord et sud-américains. Le reste est réparti entre la Chine, la Russie et l’Inde pour les marchés locaux. Suzuki assemble aussi une poignée de Fiat en Hongrie. Pour l’anecdote, Fiat fabrique aussi des Ford en Pologne. Le recul de la production italienne est imputable pour partie à une délocalisation en Pologne mais surtout à l’échec de la marque Fiat et de ses filiales Alfa Romeo et Lancia en Europe. Sans le marché sud-américain, le groupe italien aurait probablement disparu à ce jour.
Espagne : L’Espagne n’a pas vraiment de constructeur national. En effet, Seat fondé en 1953 n’était au départ qu’une filiale pour produire des Fiat quasi-identiques aux modèles italiens. La marque s’émancipa ensuite au début des années 1980 avant de devenir une filiale de Volkswagen suite à son rachat par le groupe allemand. Il faut savoir que le marché espagnol est fermé jusqu’à la fin de l’époque franquiste. Cela signifie que, pour vendre des voitures en Espagne, il est nécessaire de produire en Espagne. Ceci permit au pays de bâtir une industrie automobile avec les filiales de constructeurs tels que Fiat, avec Seat dès 1953 comme nous l’avons vu, Citroën, Renault, Austin et Chrysler. Ford commença à produire en Espagne à partir de 1976 son modèle Fiesta du segment des petites voitures. Il fut suivi par General Motors qui démarra la production de la Corsa en 1982. Les premières Peugeot et Volkswagen espagnoles sortent de chaîne à partir de 1984. Ironie du sort, la dernière Fiat espagnole fut produite en 1986 à la suite du rachat complet de Seat par Volkswagen. Cette situation expliqua la forte croissance de la production de voitures particulières en Espagne. La progression fut quasiment ininterrompue entre 1960 et 2003. L’année 2003 est celle du record de la production automobile espagnole. En effet, depuis lors, celle-ci a baissé de 28% jusqu’en 2014. La progression de la part relative de l’Espagne a donc été permise par un déclin encore plus fort de la production française et de la production italienne.
Tchéquie : La république tchèque a un passé automobile qui remonte au début du vingtième siècle au sein de l’empire Austro-Hongrois. Le premier constructeur tchèque, Laurin & Klément, fut fondé en 1905. Il devint Skoda en 1925 après avoir été racheté par un groupe industriel. Il exista une vingtaine de constructeur automobile tchèque avant la seconde guerre mondiale. Après 1950, seuls Skoda et Tatra subsistèrent. Tatra disparut en 1999. Après une croissance régulière jusqu’en 1975, la production automobile tchèque se stabilise autour des 200 000 unités annuelles jusqu’en 1996. Volkswagen rachète Skoda en 1990. Le premier modèle conçu sous l’égide du groupe Volkswagen, l’Octavia, est lancée en 1996. Le développement de la gamme permit l’essor de la production de voitures tchèques. Elle se stabilisa au nouveau au début des années 2000 entre 400 000 et 450 000 unités. En 2005, une société commune est établie entre PSA et Toyota pour produire des petites voitures. En 2008, Hyundai démarra son usine. Ceci explique la forte progression de la production automobile depuis le milieu des années 2000. Le plus grand nombre de voitures fabriqués en Tchéquie est de 1 170 000 voitures en 2012, année où la production italienne passa sous les 400 000 unités.
Que conclure … ce n’est pas aisé parce que les situations sont diverses pour chaque pays européen fabricant de voitures particulières. On peut distinguer deux éléments majeurs qui ont influé l’évolution du niveau de production. Le premier est la stratégie des entreprises et le second est la politique nationale.
Les bonnes stratégies d’entreprises conduisent au succès et au développement. Nous pouvons citer les allemands de manière continue depuis 1960, les français mais avec de nombreuses erreurs jusqu’aux débuts des années 2000, les italiens jusqu’aux débuts des années 1970, le tchèque depuis qu’il est sous contrôle d’un allemand.
A contrario, les mauvaises stratégies conduisent à la perte de clients et au déclin quel que soit le contexte politique et économique. Dans ce cas-là, nous trouvons :
- les constructeurs anglais depuis les années 1960 jusqu’à leur disparition ;
- les constructeurs italiens depuis les années 1970 en Europe mais sauvés par leur installation en Amérique du Sud (l’usine Fiat de Belo Horizonte au Brésil démarra en 1976) ;
- les constructeurs français depuis le milieu des années 2000 sauvés toutefois par Dacia pour Renault (stratégie décidée par Louis Schweitzer en 1998 après s’être fait souffler Skoda par Volkswagen) et par la Chine pour PSA (production locale depuis 1992 et prise de participation par Dongfeng) ;
- les constructeurs espagnols depuis le milieu des années 2000 (Opel, Seat, Renault…vous vous souvenez de l’échec commercial de la Modus).
L’influence des politiques locales, nationales et internationales ont aussi un impact significatif sur les niveaux de production d’un pays à l’autre.
Le protectionnisme permit à l’Espagne et à la Belgique d’établir une industrie automobile sur leur territoire. Nous avons vu le même phénomène à l’œuvre dans le développement de l’automobile en Indonésie dans notre précédent dossier.
La réduction des contraintes et des coûts permettent aussi d’attirer les entreprises. Le Royaume Uni procéda ainsi dans les années 1980 et sauva son industrie automobile mais pas ses marques nationales. La France réussit à attirer Smart en 1998 et Toyota en 2001. L’Espagne a eu un pouvoir d’attraction important après la chute du régime franquiste grâce à ses coûts salariaux inférieurs et à sa future intégration au marché commun européen. Elle vit ainsi s’établir Ford puis General Motors et enfin Volkswagen. Ce-dernier profita aussi d’un effet d’aubaine pour s’établir au Portugal à partir de 1995 en partenariat avec Ford bien que celui-ci se soit retiré depuis 2006. La même chose prévalut pour les pays d’Europe de l’Est à partir de 1990 tels que la Pologne (Fiat, Opel, Volkswagen), la Tchéquie (PSA, Toyota, Hyundai), la Slovaquie (Volkswagen, Audi, PSA et Kia), la Hongrie (Suzuki, Audi, Mercedes-Benz) et la Roumanie (Ford).
Des différences importantes des coûts de main d’œuvre et donc de compétitivité dans une zone de libre-échange (l’Union Européenne pour ne pas la nommer) aboutissent à l’inverse du protectionnisme c’est-à-dire au démantèlement d’une industrie locale par le biais de délocalisation. Ainsi Ford, Opel, Renault et Volkswagen se retirèrent de leurs usines belges au profit de leurs sites espagnols. Les usines anglaises de Ford et Peugeot furent sacrifiées au profit respectivement de l’Espagne et de la Slovaquie. En conséquence, les entreprises ont délocalisé vers les pays à bas salaire ce qui entraîna des fermetures d’usine dans des pays à haut salaire. Ceci est simplement un transfert de travail. Mais cela entraîne une chute du pouvoir d’achat et donc des ventes de voitures neuves. Les surcapacités de production apparaissent. Des restructurations deviennent alors nécessaires sur un marché européen saturé et déclinant depuis 2001 si l’on excepte le pic de 2007 lié à une bulle de crédit. Il faut alors encore fermer des usines ce qui réduit à nouveau le pouvoir d’achat et les ventes de voitures. Et on est reparti pour un tour. Où est le gain au final ?
Pour finir, je pense à Henry Ford qui augmentait régulièrement la paie de ses salariés pour leur permettre d’acheter ses voitures. C’est du pur bon sens économique que les grandes entreprises actuelles ont complètement perdu depuis une quinzaine d’années. Il serait peut-être temps de revenir à cette logique plutôt que de continuer dans la voie actuelle…