Texte : Quentin Pannaud – Photos : Chrysler et Renault
Comment parler automobile sans mentionner ces deux géants historiques ! Sortis à 6 mois d’intervalle, respectivement aux États-Unis et en France, les Plymouth Voyager et Renault Espace ont tous deux bouleversé le milieu automobile des années 1980. Premiers véhicules monospaces, c’est-à-dire à l’habitacle en un seul volume, non-séparé et modulable, ils se concurrencent directement tout en affirmant chacun leur propre identité.
C’est aux talents du designer Bob Hubbach que l’on doit la ligne si caractéristique du Voyager, star de l’année 1983. Si le monospace est conçu et réalisé par Chrysler, il n’est en revanche pas vendu directement par la firme à l’étoile, qui préfère le distribuer sous ses filières Plymouth pour ses versions d’entrée de gamme et Dodge (sous l’appellation « Caravan ») pour ses versions haut-de-gamme. Avant-gardiste, le Voyager ouvre une brèche judicieuse entre le segment des breaks et celui des vans de l’époque, tout en alliant leur confort et leur utilité. Très chic esthétiquement, son confort et son habitabilité intérieure plaisent beaucoup au public, qui apprécie ce compromis ludique et pratique.
Outre-Atlantique, l’Espace Renault est présenté lui quelques mois plus tard, et constitue le premier partenariat esthétique et technologique du losange avec le constructeur romorantinais Matra. Si son lancement ne date que de 1984, le projet est ancien et l’ambition portée par ce « minivan » européen est à la hauteur de celle de son homologue américain. Lumineux, spacieux, et commode, ce véritable salon roulant défend aussi de très bons arguments, et n’hésite pas à venir jouer sur le segment du Voyager, dont la réputation est déjà faite.
Voués à accueillir les familles nombreuses, le Voyager et l’Espace proposent tous deux un habitacle de 5 à 7 places et de belles dimensions. Leurs carrosseries sont d’ailleurs très proches, à la caisse élancée, aux optiques rectangulaires et aux larges vitres qui trahissent des silhouettes d’utilitaire.
C’est en réalité au niveau de la configuration des ouvrants arrière qu’ils diffèrent au premier coup d’œil, puisque le Plymouth dispose d’une unique porte latérale coulissante pour accéder aux places arrière, alors que le Renault de deux vraies portières à ouverture traditionnelle. Certes plus pratique pour le chargement, cette configuration américaine n’est en revanche pas très commode pour l’accès des passagers, qui peuvent manœuvrer plus facilement sur le monospace français. Un point partout en revanche pour la modularité, puisque les banquettes arrière sont facilement retirables sur les deux véhicules, offrant un plancher parfaitement plat et une capacité de chargement inédite. L’Espace s’improvise même camping-car puisque ses sièges conducteur et passager avant sont pivotables et permettent à l’habitacle de se transformer en salon !
Sous le capot, les deux vaisseaux font cuisine commune en s’alimentant d’un 4 cylindre en ligne aux puissances pratiquement équivalentes, variant de 100 à 110 chevaux. Alors que le millésime 1984 du Voyager n’est disponible qu’en deux motorisations essence (un 2.2 d’origine Chrysler et un 2.6 d’origine Mitsubishi), l’Espace, lui, accompagne son bloc essence 2.0 du diesel turbo de la Renault 25. Mais ces quelques subtilités ne changent rien à la donne, puisqu’à l’arrivée nos deux familiales ont un comportement routier et des performances quasi-similaires et tout à fait honorables ! Seul le Renault, plus léger et à la suspensions plus souple (ressorts hélicoïdaux sur 4 roues), se démarque de son rival américain par un comportement plus dynamique. Mais, États-Unis oblige, le Plymouth a droit à une transmission automatique à 3 vitesses, contrairement à l’Espace qui doit se contenter d’une seule boîte manuelle à 5 vitesses.
Données techniques | Plymouth Voyager | Renault Espace |
Carrosserie | Monovolume 4 portes
5 à 7 places |
Monovolume 5 portes
5 à 7 places |
Longueur | 447 cm | 425 cm |
Largeur | 177 cm | 178 cm |
Hauteur | 164 cm | 166 cm |
Empattement | 285 cm | 258 cm |
Poids | 1320 kg | 1200 kg |
Moteurs
(disponibles au lancement) |
Transversal avant
4L 2213 cc (Essence) 4L 2555 cc (Essence) |
Longitudinal central avant
4L 1995 cc (Essence) 4L 2068 cc (Turbo Diesel) |
Puissance | 101 ch à 5600 tr/min
104 ch à 4800 tr/min |
110 ch à 5500 tr/min
88 ch à 4250 tr/min |
Taux de compression | 9,0:1
8,7:1 |
9,2:1
21,5:1 |
Distribution | 1 ACT 8 soupapes | 1 ACT 8 soupapes |
Alimentation | Carburateur à double-corps | Carburateur à double-corps
Pompe à injection |
Transmission | Traction Avant | Traction Avant |
Boîte de vitesses | M5 ou A3 | M5 |
Suspensions avant et arrière | AV : roues indépendantes, ressorts hélicoïdaux
AR : essieu rigide, ressorts à lames |
AV : roues indépendantes, ressorts hélicoïdaux
AR : essieu rigide, ressorts hélicoïdaux |
Freins avant et arrière | Disques AV/AR ou tambours AV/AR selon versions | Disques ventilés AV
Tambours AR |
Vitesse maximale | 150 – 160 km/h | 160 – 175 km/h |
Consommation normalisée | 12,0 l/100 km | 6,8 – 9,0 l/100 km |
Véritables vedettes des années 1980, les Plymouth Voyager et Renault Espace révolutionnent l’industrie automobile mondiale. Voiture de tourisme ou utilitaire ? À leur lancement, difficile d’établir clairement à quel segment ils appartiennent, tant leurs dimensions sont hors-normes et leur aspect unique. Finalement précurseurs des véhicules dits « monospaces », ils allient confort et fonctionnalité, accord parfait entre berline et van, et régalent les familles nombreuses par leur grande habitabilité. Malgré l’arrivée de concurrents comme le Peugeot 806, le Citroën Evasion, le Fiat Ulysse ou le Lancia Zeta pour l’Espace et les Ford Aerostar, Chevrolet Astro et GMC Safari pour le Voyager, ils vont de succès en succès et suivent une progression imperturbable au fil des années. Si l’Espace est aujourd’hui toujours présent au catalogue de Renault (bien qu’il soit esthétiquement très éloigné de son aîné), le Voyager a quant à lui été remplacé en 2016 par le Chrysler Pacifica. Des carrières donc tout à fait respectables pour l’un comme pour l’autre !
L’Espace Renault. Un nom qui à sa seule évocation, suffit pour raviver mes souvenirs de vacances en famille ! Fidèle compagnon de voyage, je ne compte plus les milliers d’heures de vol accumulées sur ce curieux OVNI pendant plus de 19 ans. À sept, coffre plein, les bagages sur la galerie, les vélos à l’arrière et les animaux sur les genoux, il nous a toujours emmené là où nous voulions qu’il nous emmène, et a rythmé tous nos départs estivaux pour Royan, Dijon ou Bruxelles.
Pour avoir vécu quatre de ses générations, mon avis ne peut donc qu’être tranché et pencher en sa faveur, bien que beaucoup d’américains, doivent, comme moi, avoir vécu leurs plus beaux moments en Plymouth Voyager. Après tout, ce n’est qu’une histoire de cœur !
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